Non-dits de la Révolution algérienne : affaire Si Salah-Bachagha Boualem ?
Rappelons que Si
Salah était le successeur de Si M'Hémed, l’un des colonels, des
illustres chefs suprêmes de la wilaya IV historique, des nationalistes
algériens. Le Bachaga Boualem l’un des notables de la colonisation, le
chef de l'une des plus importantes « Harakas » (mouvements) de
l’Orléanvillois, pro-Algérie française, antinationalistes algériens.
Nous sommes donc en mai 1960. Le Général de Gaulle venait de lancer son
appel à la « Paix de braves. »
Vautrés dans la luxure
des palaces tunisiens et d’ailleurs, les membres du GPRA dont la
quasi-totalité était issue de la haute notabilité de la colonisation,
parfois agents de ses services très spéciaux, trainent à se bouger les
culs pour mettre fin à une guerre d’Algérie, sanglante et dévatsatrice,
qui ne les concernaient pas.
Nécessité oblige, le
comité directeur de la wilaya IV, les « Braves », tentent de répondre à
l’appel du locataire de l’Elysée.
Je rappelle que de
1956 jusqu’à 1960, de l’âge de 11 à 14 ans, j’ai connu les maquis de la
zone IV de la wilayat IV. Mon humble rôle se limitait à celui de
berger-chouf : les yeux, les oreilles, le ravitailleurs, la source
d’informations des plus sûres … des nationalistes affectés ou de passage
deans ma zone (arrière pays de Gouraya (Tipaza.)
Je ne me souviens pas
avoir rencontré Si Salah ni si Mohamed. Cependant, je me souviens très
bien d’avoir : rencontré, ravitaillé, informé… Si Lakhdar au moins en
trois reprises. Il m’avait même confié une mission très spéciale
concernant l’affaire d’un félon nommé Omar Oussédik, condamné à mort par
un tribunal révolutionnaire de la zone II de la wilaya IV. Au printemps
de 1958, il sera exfiltré d'un maquis de Villebourg, Larhat
atuellement) par les services coloniaux qui le dirigeront vers le Caire
où il sera nommé secrétaire d’Etat à l’information dans le premier GPRA
présidé par Ferhat Abbas, par le plus Algérie-française des colons des
plus extrémistes.
J’ai connu la détresse
et l'extrême la misère des combattants nationalistes algériens de
passages ou affectés dans ma zone. Je comprends que leurs chefs aient
tenté d’abréger leurs souffrances en répondant à l’appel de la « Paix
des braves » lancé par le Général de Gaulle.
J’avais vaguement
entendu le commandant Si Lakhdar parler d’un vague rôle positif joué par
le Bachagha Boualem et par des "Frères moines" (chrétiens) réfugiés au
mont Bissa, aux environs de Béni Houa.
«… Le Bachaga Boualem
arrive dans une caserne militaire dirigée par le colonel Fournier-Foch.
D’un ton grave, le visiteur invite l’officier supérieur à le suivre
sans tarder. Faisant confiance à son visiteur, ayant compris que
l’affaire était à la fois importante et urgente, l’invité s’exécute.
Arrivés à demeure, le bachagha présente à son compagnon un homme habillé
en soldat, je vous présente Si Salah, le commandant de la wilaya IV,
lui dit-il. Le futur visiteur de l’Elysée déclare : « Nous (comité
directeur de wilaya) avons décidé de répondre à l’appel de la « Paix de
braves » lancé par Général de Gaulle… », conclu-t-il. L’affaire Si
Salah est en marche.
Dans cette affaire, le
Général de Gaulle avait exigé un secret total : «… Ceux qui en
parleront n’auront plus l’occasion d’en reparler », avait-il précisé à
ses plus sûrs et plus proches conseillers. Il confiera l’affaire à son
loyal serviteur, à Bernard Tricot. Le premier ministre, Michel Debré,
désignera le colonel Mathon pour le représenter. Du côté nationaliste
algérien, ce n’était plus Si Salah qui conduira l’affaire mais le
commandant Si Lakhdar Boucheamaa qui était assisté de deux compagnons,
Si Abdelatif et Si Halim. L’intermédiaire ne sera plus le Bachaga
Boualem mais Monsieur Arighi, un cadi de Médéa. Pourquoi le Bachaga
Boualem et Si Salah ont-ils été exclus de l’affaire et pourquoi le
Bachaga n’a-t-il jamais évoqué son rôle dans l’affaire Si Salah dans ses
deux livres qu’il a consacrés « Aux évènements d’Algérie ? »
Rappelons que cette
démarche avait abouti, vers juin 1960, à un voyage éclair et à une
rencontre à l’Elysée mettant aux prises le Général de Gaulle en
personne et une délégation de la wilaya IV composée des colonels : Si
Salah, si Mohamed et du commandant Si Lakhdar.
Le Général de Gaulle
avait lancé un appel à la « Paix des Braves.» C’est-à-dire aux
combattants de l’intérieur dont il connaissait la bravoure mais aussi la
misère et la détresse. Il tentera d’opposer momentanément les
combattants de l’intérieur aux politicards extérieurs du GPRA vautrés
dans la luxure des palaces tunisiens et d’ailleurs. Le message du
Général de gaulle semble limpide. S'adressant aux barons du GPRA :
Bougez vos culs ou je fais la paix avec ceux qui se battent, aux braves.
Une fois que le GPRA
a décidé enfin de bouger son train, les dirigeants de l’intérieur
étaient devenus des obstacles aux machiavéliques calculs gaulliens. Il
fallait donc les exterminer. Si Lakhdar, Si Abdelatif, Si Halim… seront
lâchement assassinés par leur compagnons. Si Salah sera intercepté par
l’armée coloniale et abattu dans des conditions particulièrement
mystérieuses. Quant à Si Mohamed, porteur d’un poste émetteur-recepteur,
localisable par les services ennemis dans le temps et dans l’espace, il
sera donc localisé et éliminé avec ses compagnons par une section du
11ème choc (bras armé du SDECE) dans un faubourg de Blida.
Ainsi la voie a été
ouverte au GPRA dont la quasi-totalité des membres étaient issus de la
haute notabilité de la colonisation et des agents de ses services très
spéciaux. Moralité, une fois les maquis internes : désarmés, défaits,
brisés, il ne restait plus au GPRA qu’à signer le cessez le feu et aux
armées de frontières fraiches, repues, surarmées, dirigées par des
félons, cupides... d'entrer en Algérie pour confisquer l’indépendance,
le pouvoir et les privilèges qui lui sont attachés.
Je rappelle aux
algériens et au monde que les colons étaient : racistes, cruels,
exploiteurs des algériens. Cependant, leurs successeurs autochtones sont
encore plus racistes, plus cruels, plus exploiteurs. Les bourreaux de
l’armée coloniale torturaient des algériens pour un but précis, leur
arracher des informations. Quant à ceux de Khaled Nezza, ils torturent
les mêmes algériens sans but, pour leurs bons plaisirs, comme une fin en
soi.
La suprême trahison
des dirigeants algériens doit se mesurer à l’aune de leur bilan :
politique, culturel, économique, social, moral… qui se résument en une
catastrophe totale et irréversible.
[1]Affaire
Si Salah, Pierre Montagnon, secret d’Etat, Pygmalion, février 1987
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